Comment et pourquoi intégrer des pauses actives dans ma routine d’enseignement ?
Connaissez-vous les pauses actives en classe et leurs cousins anglophones les brainbreaks ? Les premières viennent des pays nordiques et du Québec, et les seconds des États-Unis et du Canada. Je vous propose ici des ressources clé en main qui vous permettront de répondre aux exigences institutionnelles des 30 minutes d'APQ, activité physique quotidienne. Vous pourrez les utiliser comme transitions et y dispenser une éducation à l'hygiène de vie. Vos élèves découvriront des exercices ludiques qui boostent la concentration et favorisent une bonne ambiance de classe. J'ai fait en sorte de fournir des ressources à la fois pour la maternelle et pour l'élémentaire (CP, CE1, CE2, CM1, CM2 et ULIS). Elles sont variées, composées d'exercices cardios Tabata, de méditations et de cohérence cardiaque notamment.
D’après la recherche menée par Mélodie Paquette pour l’Université de Montréal, «une pause active typique dans la classe dure de 10 à 15 minutes et fait la promotion d’activité physique modérée à vigoureuse.». Il s’agit d’un temps pris en classe, entre deux séances, sans matériel spécifique la plupart du temps.
L’objectif est de proposer aux élèves un moment où ils se dépensent énergétiquement, sans quitter la pièce, pour pouvoir ensuite reprendre les activités de la journée.
Une pause active peut être proposée comme un rituel inscrit à l’emploi du temps ou bien comme une activité spontanée liée à un besoin de la classe à un instant T.
Les bienfaits de cette pratique sont nombreux. Pour l’instant, ils sont surtout documentés par des études anglophones ou québécoises. En France, Nolwenn Chesnais a réalisé une thèse à ce sujet pour l’Université de Rennes 2.
La diminution des comportements perturbateurs
Cas d'école 1 : Il est 9h du matin, vous enseignez en CE1 et la classe a commencé depuis 15 minutes. N. est déjà en train d’éparpiller le contenu de sa trousse sur sa table et de se balancer sur sa chaise. Il commente tout ce qui se passe autour de lui. Pourtant, la routine du matin est bien rodée. Nous sommes en février, il sait ce que vous attendez de lui. À cette heure-ci, il devrait déjà avoir écrit la date, «Dictée» et être prêt comme le reste des élèves.
Cas d'école 2 : M., élève de moyenne section, vient tout juste de revenir de son atelier dirigé. Elle est assise avec tous les autres en regroupement. Enfin, assise, c’est un bien grand mot. Disons plutôt qu’elle gesticule sur le banc, sous le banc et même à côté. Elle bouscule au passage les enfants assis à proximité. Vous tentez de la ramener parmi vous à grand renfort de théâtralisation, mais rien à faire. M. gigote à n’en plus finir. Vivement la récréation !
Cas d'école 3 : La matinée s’est plutôt bien passée, vous avez réussi à être à peu près jour dans ce que vous aviez prévu. Mais cette après-midi, c’est la cata ! Les élèves sont revenus de la cantine excités comme des puces. Vous avez tenté la lecture offerte pour poser tout le monde, mais cela n’a pas suffi. Maintenant, vous conduisez tant bien que mal votre séance d’anglais en essayant de garder tout le monde concentré sur la tâche. Mais, au fond de vous, vous avez plutôt envie de tout lâcher, d’aller en salle des maîtres vous faire un thé et manger un morceau de chocolat.
Ces situations vous disent quelque chose ? Ce sont ces moments de classe où on aurait envie de donner un coloriage à tout le monde, se dire tant pis pour le cahier journal et aller se cacher derrière le bureau jusqu’à la fin de la journée, ou au moins jusqu’à la récré. C’est fou comme on peut se sentir démunis en tant qu’enseignants face à ces comportements perturbateurs !
Considérez la pause active comme un outil de plus dans votre boîte à outils de professeur.e des écoles. Vous pouvez l’utiliser avant que les comportements perturbateurs ne prennent trop d'ampleur. Vos élèves auront alors l’occasion d’évacuer le trop-plein qui les conduit à adopter des attitudes comme celles décrites plus haut. Vous pouvez aussi stopper votre séance et faire une pause active au lieu de pédaler dans la semoule. Cela permettra aux élèves de se sentir validés dans leur besoin de se défouler et vous aurez face à vous une classe beaucoup plus coopérative pour la suite.
Je ne vous parle pas d’une recette miracle pour vous retrouver face à 100% d’élèves attentifs et concentrés. Vous restez face à des enfants, des êtres humains en construction. La pause active est, selon moi, une bonne pratique à leur faire découvrir. Vous avez un rôle dans leur apprentissage de la régulation émotionnelle et des comportements inhibiteurs. Les autoriser à utiliser l’exercice physique comme outil de régulation est un magnifique cadeau à leur faire. Au fil de l’année, vous remarquerez que les comportements perturbateurs sont moins fréquents, moins violents, et votre classe parviendra à rectifier le tir plus rapidement.
Le gain de temps
Les nouvelles directives institutionnelles sont claires : on nous demande de mettre en place 30 minutes d’activité physique par jour. En maternelle, la séance de motricité est généralement quotidienne. En élémentaire, c’est plutôt bi hebdomadaire. À côté de cela, on a quand même l’entièreté du programme à traiter et un emploi du temps dans lequel on peine déjà à faire entrer les horaires demandés pour chaque matière. Alors, réussir à caser 30 minutes de sport par jour ? Bonjour le casse-tête ! Surtout si l’on ne veut pas perdre ses créneaux à la salle multisport ou si on a une intervention prévue sur une période. Vous voyez où je veux en venir ? Ce « 30 minutes d’activité physique par jour» risque vite de se transformer en «Oh ça va, ils ont les récréations pour se dépenser, ça compte ! ».
L’avantage des pauses actives, c’est qu’elles se passent dans la classe. Pas besoin de faire déplacer tout le monde, en perdant du temps avec l’habillage/déshabillage et le passage aux toilettes. Qu’il s’agisse d’un temps ritualisé ou d’une transition improvisée, elle ne prend que 10 à 15 minutes maximum. Son déroulement est toujours conçu de la même façon : les élèves savent où vous allez, ce qui vient après et sa réalisation gagnent en fluidité avec la pratique. Enfin, vous gagnez du temps pour le reste de la journée. Nous l’avons vu au point précédent, la pause active limite les comportements perturbateurs. Les activités prévues pour le reste de la demi-journée seront donc plus efficaces et paisibles. Vous pouvez garder vos créneaux d’EPS habituels à l’emploi du temps, mais en déduire une partie pour l’affecter à ces fameuses pauses actives.
L’ambiance de classe et une relation enseignant/élève de qualité
Le moment de la pause active est un temps d’observation en or pour l’enseignant. Vous pouvez la faire avec eux, mais je vous conseille fortement de prendre le temps de regarder aussi comment ils réagissent. Vous en apprendrez beaucoup sur eux et sur leur évolution dans la classe.
Vous aurez celui qui se donne à 500% et gesticule comme un fou dans des mouvements approximatifs, mais toujours exagérés (oui, je sais, vous avez déjà un élève en tête). Et puis celle qui se croit sur le plateau de La France a un incroyable talent. Sans oublier celle qui exécute chaque mouvement avec une facilité déconcertante. Et celui qui balance ses bras mollement pour donner l’impression qu’il y a du mouvement, mais n’a pas l’énergie ou l’audace d’en faire plus. Et puis il y a aussi ceux qui restent assis et ne veulent pas faire. Et c’est OK. C’est un des rares moments de la journée où ils peuvent refuser de faire la tâche demandée après tout.
Vous les verrez évoluer au fil des mois, prendre confiance, être à l’écoute d’eux-mêmes. C’est un temps en or pour inculquer le respect de son corps, de ses capacités et de ses besoins. On y travaille aussi le respect de l’autre et de son espace pour éviter d’éborgner tout le monde à chaque séance. Les temps de relaxation sont l’occasion de développer ses capacités de concentration et ses contrôles inhibiteurs. Les moments de massage créent une bulle de bien-être et de prise en compte de la fragilité de l’autre. La cohérence cardiaque offre des possibilités de ressources mobilisables en dehors des pauses actives. Et vos élèves expérimentent cela ensemble.
Au-delà de la posture d’observateur, vous servez aussi de guide. Au fil des séances vous les familiarisez avec des notions de neurosciences pour leur permettre de mieux comprendre le fonctionnement de leur corps. Vous venez valider leur besoin de se défouler, ce qui arrive rarement dans leur journée. Vous leur permettez de comprendre que c’est normal qu’il soit difficile d’être « sage » toute une journée de classe (permettez-moi les guillemets, car je déteste cette idée d’enfant sage). Bref, vous leur offrez une bulle de compréhension dans leur parcours scolaire en leur fournissant des outils qui leur seront utiles toute leur vie.
D’après les études, la fréquence minimale pour observer les bienfaits de la pause active est d’une fois par semaine. Vous pouvez en faire votre rituel du lundi matin pour bien commencer la semaine ou au contraire instaurer une pause active le vendredi soir pour que tout le monde garde un souvenir ludique et bienveillant de cette semaine passée ensemble.
Cependant, même si cette recommandation est tout à fait justifiée, je considère qu’une pause active est bénéfique dès qu’elle est vécue. Si vous êtes sur un remplacement à la journée par exemple, il serait dommage de vous priver de les mettre en place sous prétexte que les élèves ne vous reverront pas chaque semaine. Ce sont des moments tellement forts pour le groupe classe que vous vous apercevrez rapidement que les élèves s’en souviennent. Ils vous en reparleront si d’aventure vous êtes amené à revenir dans l’école. Vous serez bientôt connu.e comme le maître ou la maîtresse qui fait bouger en classe !
Si vous êtes en poste sur une classe à l’année, je vous conseille de voir plus grand. Pour ma part, j’avais un moment ritualisé inscrit à l’emploi du temps tous les jours en milieu de matinée, car je trouvais que c’était le moment où tout le monde décrochait. Je me réservais ensuite la possibilité de proposer une pause active spontanée quand je sentais que la classe en avait besoin ou que les enfants me la réclamaient. Vous êtes la personne qui connait le mieux la classe. Suivez votre intuition.
La durée
Il a été mis en évidence par les études qu’en dessous de 5 à 15 minutes de pause active, cela n’avait pas vraiment de bienfaits sur les élèves. Il faut donc vous assurer que vous disposez d’assez de temps pour faire une réelle pause. Ce temps comprend l’échauffement, la dépense énergétique et le retour au calme. Passé 15 minutes en revanche, la séance commence vraiment à patiner. Les élèves auront plus de mal à entrer dans l’activité que vous avez prévue ensuite.
Les études n’ont pas prouvé de réelle différence sur le comportement des élèves entre une activité modérée ou intense. Il n’est donc pas utile d’épuiser vos élèves. L’idéal est que la tâche soit suffisamment ludique pour retenir leur attention et adaptée à leur niveau de motricité. S’ils abandonnent au bout de 3 squats ou de quelques mouvements de danse parce que c’est trop dur pour eux, ils ne seront que peu engagés dans la tâche.
Comme pour toutes les autres activités que vous proposez en classe, testez différentes formules pour ajuster au fur et à mesure et ainsi arriver au plus près des besoins de vos élèves. Précisez-leur bien que le but n’est pas de faire tous les mouvements parfaitement, mais bien d’évacuer l’énergie en trop qui les gêne dans leur journée de classe.
Qu'est-ce que tu regardes chérie ? Nan nan mais c'est pour la classe ! 😜
Chaque pause active comporte trois temps :
Il permet de faire la transition en douceur entre un temps de classe formel et l’activité physique qui va suivre. Il vise à préparer le corps à la manière de l’échauffement que vous proposez au début de vos séances de sport ou de chant. Plus il sera ritualisé, plus vos élèves entreront rapidement et efficacement dans l’activité.
Ce moment est celui qui doit durer le plus longtemps par rapport au reste de la séance. En variant les activités et les supports, vous maintiendrez un engagement maximum de vos élèves, toujours curieux de découvrir une nouvelle danse ou un nouveau jeu. Vous verrez qu’ils auront leurs préférences et vous réclameront certaines activités plus que d’autres. Pensez par exemple à la vidéo Tabata Rentrée qui est une bonne entrée en matière et peut être faite tout au long de l'année.
Afin de clôturer la séance et de récupérer une classe attentive le plus rapidement possible, il ne faut absolument pas sauter cette phase ! C’est le moment où vos élèves vont faire redescendre leur rythme cardiaque, calmer leur souffle et se recentrer sur leurs sensations corporelles. Le best-seller de ma classe est le massage pizza. Essayez-le !
En tant qu’enseignant, on est parfois anxieux à l’idée d’apporter une nouvelle pratique dans notre façon de faire classe. C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit d’une innovation que l’on n’a vu chez aucun de nos collègues. Pas de panique, voici une petite liste de choses à garder en tête pour que cela se passe bien :
Vous y voyez normalement désormais plus clair ! Je vous invite donc à aller visiter la Banque de ressources pour commencer à proposer des pauses actives à vos élèves. Tout a été créé par mes soins, d’après les besoins que j’ai ressenti pendant mes années d’enseignement. J’espère que mon travail vous sera utile autant qu'il l'a été pour moi !
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